Ingmar Bergman. Tout a été dit et redit, mais j'ai besoin de recenser l'incroyable richesse des images, des couleurs, des idées, des émotions qui peuplent ce film fleuve, construit comme une tragédie en 5 actes, comme le théâtre de l'existence, comme un concentré de vie familiale et théâtrale, où l'on regarde des personnes, des personnages, des tranches de vie, des scènes chorales ou intimistes, des morceaux de bravoure avec toujours cette acuité du regard de Bergman pour cerner ce qu'il y a d'intime, de profond, de non-dit, mais aussi tout ce qu'il peut y avoir de sadisme et de cruauté affichée ou sournoise dans les échanges des personnages. Sans qu'il y ait jamais rien de bavard. Ce sont des échanges intimes et vrais, ou trop pleins d'émotion, ou des affrontements percutants, des paroles au vitriol, et de la légèreté, principalement chez le personnage de la grand-mère, qui s'est affranchie par son âge des tourments de l'existence, mais a gardé la générosité d'être sensible à ceux des autres.
C'est aussi le monde de la magie et de l'illusion, de l'imaginaire et de la création, à la fois dans la vie de ce petit théâtre dont le directeur meurt subitement, et à travers le personnage d'Isaac, le vieux juif usurier, collectionneur et brocanteur, le vieil ami-amant de la grand-mère, qui souligne dans le film la dimension magique et mystérieuse de la vie. Les scènes et les décors de son magasin-caverne d'alibaba sont extraordinaires, notamment celle où Alexandre rencontre Ismaël, le "possédé".
Et bien sûr, s'il est question de la puissance de l'esprit et de l'imagination, le personnage d'Alexandre, supra-imaginatif et supra-sensible aux moindres ondes de ce qui l'entoure, et où l'on devine en filigrane la figure de Bergman enfant.
Le film commence par cette incroyable fête de Noël dans cet incroyable décor de maison opulente et théâtrale, avec tout le luxe et la sérénité que donne l'argent, et où l'on est littéralement inondé par la joie de cette fête familiale, affectueusement entourée des soins des servantes. Un époque et une ambiance d'antan, tout comme est perdu le monde des fêtes de l'enfance qui laissent une empreinte indélébile
Dans ce concentré d'émotions et de notations, dans cette profusion, cette opulence, Bergman raconte la générosité des personnages, et l'amour pour les acteurs, leur sensibilité, leurs débordements, leur posture sur le fil, à la frontière du rêve et de la réalité, du masque et de la vérité, du vrai et du faux semblant, du jeu et du drame. Un monde où la vérité porte plusieurs masques.
Bergman raconte alors comment l'univers soudain rétrécit et se glace, perd ses
couleurs en basculant dans l'univers atroce de l'évêque, un univers où la vérité n'a qu'une figure, celle du Christ, et qu'une revendication, la
pureté. Un monde totalitaire où la pensée doit être transparente, où la liberté de penser est une menace, l'imagination un vice. Dans ce monde, Alexandre devient forcément l'adversaire à soumettre. Le Malin.
Les personnages déroulent une magnifique galerie de caractères, à commencer par la grand'mère, pilier et référent de la famille, ses 3 fils (l'homme d'affaires et sa débonnaire épouse Alma, l'homme de théâtre et sa femme, la belle Emilie, mère de Fanny et Alexandre, l'horrible Carl, toujours fauché et amer, et sa pitoyable épouse), le monde des servantes, la vieille Esther, la délicieuse Maj... L'irruption de l'extraordinaire évêque et de sa maisonnée (famille et servantes), un monolithe de noirceur et de cruauté, n'en est que plus angoissante.
Il faudrait aussi parler des décors, des couleurs, des lumières... et détailler chaque scène pour raconter l'incroyable richesse de ce film incroyable : beau, prenant, émouvant, merveilleux, angoissant, touchant, léger, profond.
dimanche 11 août 2019
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