lundi 12 mai 2025

Ce Nouvel An qui n’est jamais arrivé

 Bogdan Muresanu



Excellente peinture de l'enfermement complet d'une société figée par la peur : chacun individuellement et tout le monde collectivement est entièrement sous la coupe du dictateur tout en haut et de tous ses relais dans le réseau de flics, informateurs, propagandistes, chefs de section, de bureau etc. Tout le monde est muselé, sous contrôle, soumis à l'ordre et tout le monde se méfie de tout le monde.

On voit ainsi une galerie de personnages placés en mauvaise posture (le père et la lettre au Père Noël, la mère du réalisateur télé, le réalisateur d'un film de vœux dont l'actrice a critiqué le pouvoir, sa remplaçante completement révoltée à cette idée, le fils du réalisateur qui fait le dissident etc. ) Le film raconte avec humour et noirceur comment ces différents personnages se débattent entre leur conscience et les faits. C'est excellent et tragiquement drôle.

dimanche 4 mai 2025

Little Jaffna

Lawrence Valin. Quel monde étrange que cette communauté tamoule dominée par un chef mafieux, Aya, habités par l'idée de soutenir, à coup de rackett, les rebelles séparatistes du Sri Lanka. Michael, d'origine tamoule, a été  élevé loin de tout ça par sa grand-mère à Clermont-Ferrand, il est devenu flic, et il est chargé par la DGSI d'infiltrer cette mafia du quartier Stalingrad à Paris. Tout le monde a vu des images et des films de mafia et d'infiltré, mais ici tout a l'air nouveau et dépaysant. On a l'impression de voir un film neuf sur un sujet éculé. Des bandes rivales, de la castagne, des règlements de compte, des motos, des bagnoles, des amours contrariées, du trafic de migrants, et pour ancrage, un incroyable squat-usine. Sans oublier le culte catholique à la sauce locale, les costumes ébouriffants, sorte de "streetwear" haut en  couleurs et motifs survitaminés, comme le rap du crû, comme le rythme d'ensemble, sous haute tension, bourré d'adrénaline et de testostérone. Là-dessus, l'infiltré Michael atterrit dans ce monde qui aurait pu être le sien s'il n’avait pas été élevé dans les valeurs de la république. Il s'intègre aux fêtes, aux sociabilités, aux magouilles de  ceux qui auraient dû/pu être sa famille, son clan, ses frères, son univers. Sa solitude d'infiltré confrontée à la cohésion d'une communauté et à la tentation d'une appartenance impossible. Pas assez blanc pour les blancs, pas assez tamoul pour les tamouls.  C’est une plongée fascinante dans un impitoyable exotisme urbain.

La Chambre de Mariana, Emmanuel Finkiel : un forme histoire d'amour entre deux êtres qui n'ont qu'eux à aimer dans un monde de brutalité, vénalité, sauvagerie, cupidité, trahison...   Toute la bassesse humaine s'arrête à la porte du réduit où Mariana cache l'enfant juif, sanctuaire défendu par la prostituée fidèle à l'amitié et à la promesse faite à la mère d'Hugo. Un monde clos d'où l'enfant écoute le bruit du monde et construit peu à peu l'étrange réalité qu'il devine à travers les interstices de la cloison, les sons, les voix, un espace minuscule qui grandit peu à peu au fil des informations glanées dans la chambre de Mariana puis au-delà (la fenêtre, l'escalier...) et lui fait progressivement cesser d'être un enfant. Mélanie Thierry se révèle lumineuse, attachante, rayonnante dans ce merdier (au scénario relativement prévisible) D'après un roman d'Aharon Appelfeld.